Quand les investisseurs évaluent la gouvernance d’une entreprise, ils portent plus souvent l’attention sur la composition du conseil d’administration, les contrôles d’audit, et les listes de contrôle de conformité. Cependant, on observe un paradoxe : les échecs de gouvernance sont plus souvent dus à une culture délétère au sein de l’entreprise qu’à une gestion comptable défaillante..
Prenons, par exemple, les scandales d’émissions de Theranos et Volkswagen. Ces entreprises n’ont pas fait faillite par manque de politiques ; elles ont échoué car les employés n’osaient pas contester les décisions prises par l’entreprise. Dans les deux cas, la pression liée aux objectifs et aux attentes des parties prenantes, a pris le pas sur l’engagement envers une conduite éthique, ce qui crée un éloignement des valeurs fondamentales.
Si la gouvernance est mise en place pour assurer la prise de responsabilité, la transparence, et la valeur à long terme, nous devons poser une question essentielle : quelle est l’expérience de travail au sein de cette entreprise ?
La culture d’entreprise n’est pas un avantage.
La gouvernance invoque souvent des réflexions sur les formalités telles que les chartes de conseil d’administration et les mentions légales, mais elle comprend aussi les aspects humains qui impactent la prise de décision et l’intégrité.
Par exemple, le conseil d’administration d’un grand groupe de mode anglais a failli dans sa supervision des conditions de travail. En effet, des bilans ont révélé que, malgré une structure de gouvernance formelle, les salariés étaient rémunérés en deçà du SMIC et étaient sanctionnés pour leur utilisation de leur temps de travail pour leurs besoins fondamentaux, comme des pauses pour s’abreuver et des arrêts maladie.
Les réactions des consommateurs et des autorités réglementaires aux fautes de gouvernance peuvent réduire le revenu d’une entreprise et entraîner des dommages considérables à sa réputation. L’information concernant ces échecs circule rapidement sur les réseaux sociaux, et les attentes des autorités de régulation augmentent régulièrement.
Sans une culture fondée sur l’ intégrité, la gouvernance peut compromettre la valeur d’une marque et menacer la continuité des opérations.
La culture comme levier de performance
Les chiffres sont clairs : une gouvernance stable soutient une amélioration de performance financière par la cohérence culturelle.
Des études montrent que les entreprises gouvernées correctement ont tendance à :
· Faire des investissements efficaces
· Générer un flux de trésorerie soutenable
· Payer des dividendes consistants
La culture est la force qui renforce ou érode ces capacités. Selon un sondage global de cadres dirigeants :
La culture influence également les décisions que la gouvernance formelle ne peut pas toujours atteindre, tels que la prise de risque, la confiance des employés pour prendre la parole, et quels comportements ont été normalisés. Le même sondage a trouvé que :
Les dirigeants comprennent que la culture crée des impacts durables. Pourtant, près de 1 sur 5 signale que leurs cadres supérieurs compromettent délibérément l’efficacité culturelle.
La gouvernance commence par le ressenti
Nous séparons souvent les « enjeux humains » et les « enjeux de gouvernance ». Mais la culture n’est pas ‘soft’, elle est formée par ceux qui ont le pouvoir, les voix qui sont entendues, et quels comportements sont récompensés ou ignorés.
Quand les conseils d’administration sont déconnectés des expériences réelles de leurs employés, des ‘angles morts’ se forment. Malgré l’existence de chaînes de responsabilité, quand la peur dépasse la confiance, ces chaînes deviennent inutiles. Par conséquent, les risques s’aggravent et augmentent.
Repenser la définition du ‘G’ dans ESG
Dorénavant, la gouvernance nécessite une nouvelle définition. Il ne s’agit pas seulement de règles et de supervision, il s’agit de développer une culture ancrée dans la responsabilité, la transparence, et la bienveillance.
D’où l’importance de poser plus de questions pertinentes :
· Les dirigeants entendent-ils les voix de leurs employés, et non des rapports triés?
· Les progrès dans l’inclusion et le bien-être sont-ils mesurés et partagés en toute transparence?
· Est-ce que les inquiétudes des salariés ont la même priorité que les risques financiers?
Ce que cela signifie pour les investisseurs et chefs d’entreprises
Pour les conseil d’administration qui dirigent des entreprises ou prennent des décisions d’investissement, cela revient à poser des questions telles que :
· Est-ce que le conseil d’administration reçoit régulièrement des informations sur le ressenti des salariés et la sécurité psychologique ?
· Les données des lanceurs d’alerte sont-elles suivies pour efficacité – pas seulement pour la conformité ?
· La confiance et la culture sont-elles mesurées avec la même discipline que les KPIs financiers ?
Quand 41% de cadres dirigeants admettent qu’ils choisiraient un projet qui sacrifie la valeur à long-terme pour un profit à court-terme – sauf si la culture avise contre cela – il est évident que la culture est une forme de gouvernance.
Donc, si votre but est de réduire le risque, d’améliorer la performance, et de rendre votre entreprise prête pour l’avenir, ne vous focalisez pas sur “gouvernance” dans “ESG”, mais concentrez-vous sur la culture qui la soutient.